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Une montre haut de gamme ornée de la Kaaba en 3D, l’œuvre de Christophe Claret, passionné d’horlogerie et de magie Featured

 

 Né en 1962 à Lyon, Christophe Claret est admis à l'Ecole d'Horlogerie de Genève en 1978, puis formé auprès du cabinotier Roger Dubuis, où il ouvre son premier atelier de restauration de pièces anciennes. Son diplôme d'horloger en poche, il fonde la Manufacture Claret en 1989, qui devient bientôt une référence dans le domaine des calibres de grandes complications ; puis lance sa propre marque en 2009 une maison indépendante, qui conçoit, développe et produit l’entier de ses mouvements et boîtes elle-même, et fait partie du cercle très fermé des maisons de Haute Horlogerie. Mais c’est une montre particulière qui a attiré notre attention, la Mecca, dont le cadran révèle une micro-gravure de la Kaaba, mise en valeur grâce à un mirascope, une première au niveau technologique.

 

Cette année, « Christophe Claret » fête les 30 ans de sa manufacture et les 10 ans de sa marque. Nous le rencontrons à cette occasion, dans la ville du Locle, canton de Neuchâtel, qui constitue, avec la vallée de Joux, le creuset des marques horlogères les plus connues du globe, avec une main d’œuvre parmi les plus qualifiées et expérimentées dans ce domaine.

 

Pourquoi la Suisse est-elle si connue pour l’horlogerie ?

L’histoire de l’industrie des montres en Suisse remonte au dix-septième siècle, sous Louis VI, à l’époque où les Huguenots[1] ont été obligés de fuir les pays catholiques (seconde moitié du XVIe siècle). Ainsi la Suisse a-t-elle accueilli nombre des meilleurs ouvriers et industriels de l’horlogerie européenne, qui ont constitué le noyau de l’industrie horlogère du pays. Aujourd’hui, même les marques françaises s’installent en Suisse, car c’est là que se trouve la main d’œuvre qualifiée, les machines adéquates, les sous-traitants, etc.

 

Comment avez-vous créé votre entreprise ?

J’ai d’abord travaillé comme sous-traitant pour d’autres marques qui n’ont pas la capacité de fabriquer toutes les pièces d’une montre, qui sont nombreuses. Très peu de marques réalisent l’intégralité d’une montre en réalité. Puis, lors de crise financière de 2008 et de la baisse des commandes qui ont suivi, j’ai décidé de lancer ma propre marque, ce qui m’a permis de diversifier mes collections. J’ai alors commencé à réaliser des mouvements, et aujourd’hui, nous sommes en mesure de fabriquer nous-mêmes la quasi-totalité d’une montre (85%), en achetant uniquement certains éléments comme le cadran ou le bracelet. En 10 ans, nous avons ainsi réalisé 14 modèles différents. Nous travaillons principalement pour notre propre marque, mais nous avons également une dizaine de clients pour lesquels nous assurons des services de sous-traitance.

 

Quelle est l’origine du modèle « Mecca », orné du symbole de l’Islam ?

Nous avons imaginé cette montre car aucun modèle haut de gamme ne représentait encore la religion musulmane. Pour réaliser le prototype, je me suis rapproché d’un imam à Zurich, qui m’a aidé à identifier et retranscrire certains éléments de la religion musulmane, au-delà du simple ajout de chiffres en arabe. D’où l’idée d’intégrer la Kaaba au centre de la montre, un élément hautement symbolique de la religion musulmane. Le mirascope, qui permet de visualiser en 3D l’objet qui est à l’intérieur de la montre, offre une dimension mystique parfaitement en adéquation avec ce symbole. L’effet d’optique rend la Kaaba très réaliste, elle semble sortir de la montre, une proposition unique qui n’avait jamais été réalisée jusque-là. Cette particularité a nécessité un système spécifique pour l’affichage des heures, avec des aiguilles en forme de cloche pour indiquer l’heure. Deux autres éléments sont déterminants : d’abord le nombre de série limitée « 63 », qui correspond à l’âge du prophète au moment de son décès, et qui est inscrit en titane naturel ou PVD puisque l’or est interdit aux hommes selon l’Islam ; puis l’incrustation de deux diamants, l’un noir et l’autre blanc, qui représentent la « Pierre Noire », blanche à l’origine mais ternie ensuite par les péchés des pèlerins. À l’arrière de la montre, un troisième élément illustre encore l’Islam, avec un rotor orné d’une carte du monde et des points blancs personnalisant les Musulmans qui tournent autour de la Kaaba, considérée comme le centre de monde.

 

Qui sont vos clients ? Exportez-vous dans le monde Arabe ?

Nos clients sont en majorité des hommes passionnés par l’horlogerie et l’automobile, d’un milieu aisé. Les montres femmes ne représentent que 15% de notre chiffre d’affaires.  Nos marchés les plus importants pour les montres Claret sont l’Asie, la Chine continentale (Hong Kong, Singapour, Taiwan), les Etats-Unis, le Mexique et l’Europe, notamment la France et la Suisse. Nous n’exportons pas énormément au Moyen-Orient et, étonnamment, la montre Mecca se vend aux Etats-Unis.

 

Quel est le risque d’imitation et de concurrence pour ce nouveau produit ?

Lorsque je développe une nouvelle montre, je le fais par passion et non sur la base d’une étude de marché. Evidemment, je fais tout pour gérer l’entreprise de manière intelligente, selon les règles du marché. Mais il faut reconnaitre que seules les grandes entreprises réalisent d’importants profits. C’est plus difficile pour les marques indépendantes. Nous créons chaque année de nouveaux modèles, que ce soit pour notre propre marque ou pour des tiers. Et il est vrai que cela peut inspirer d’autres marques, qui suivent la tendance. Ce phénomène existe depuis toujours. Le problème est que nous pouvons protéger un mécanisme, mais pas une idée, et dans l’horlogerie même lorsque vous protégez un mécanisme ou un système, d’autres fabricants parviennent au même résultat en utilisant un autre système. Je dirais néanmoins qu’il est toujours avantageux d’être le créateur d’un modèle original, même lorsqu’il est ensuite copié.

 

Que pensez-vous de la concurrence chinoise, notamment sachant que leur business model encourage la réplication de produits novateurs ? 

Prenons l’énergie photovoltaïque : ce ne sont pas les inventeurs de la photovoltaïque qui ont le mieux commercialisé cette technologie, mais plutôt les chinois, qui le fournissent dans le monde entier à des prix très compétitifs. Il en va de même pour les téléphones mobiles. Certes Steve Jobs a inventé l’IPhone, mais aujourd’hui, c’est le téléphone le plus copié au monde, Samsung en tête en termes de nombre d’utilisateurs, suivi de Huawei puis IPhone.

Par ailleurs, nous ne sommes pas touchés par la contrefaçon. Pour reconnaitre une montre contrefaite, il faut regarder le mouvement, qui est très rarement imité. Normalement, les entreprises de contrefaçon copient le cadre extérieur et la boite, mais jamais les éléments de qualité que nous offrons à l’intérieur d’une montre. Si la montre est retournée, nous pouvons facilement établir s’il s’agit ou non d’un mouvement Rolex ou Piaget par exemple, et si nous sommes familiers avec une marque, nous pouvons même distinguer son origine par le bruit du moteur.

 

Qu’est-ce que vous pensez des montres connectées à écran tactile ?

Dans la haute horlogerie, il y a peu de compétition, mais si nous parlons de l’horlogerie de manière générale, c’est autre chose ! Nous travaillons pour 65 marques horlogères Suisses. En ce qui concerne les montres connectées, nous ne sommes pas concernés, puisque nos clients sont des collectionneurs passionnés par la mécanique. Peut-être achètent-ils une montre Apple parallèlement, mais ils continueront d’acheter les montres que nous fabriquons par ce qu’ils sont passionnés par la haute horlogerie.

 

Certains économistes parlent d’une crise économique à venir, qu’en pensez-vous ?

La crise apporte aussi des opportunités. Nicola Hayek a su investir quand plus personne ne croyait en l’horlogerie lors de la crise des années quatre-vingt. Il a ainsi sauvé beaucoup d’entreprises horlogères, notamment des entreprises de mouvements. Pendant la dernière crise, j’ai pu remarquer une perte d’activité, raison pour laquelle j’ai lancé ma propre maque pour diversifier mes montres, car j’étais convaincu que sous ma marque je pourrai vendre des montres, et pas seulement des mouvements, ce qui constitue aujourd’hui 60% de nos activités. Notre diversification se trouve dans la technique, l’innovation, l’originalité, la rareté, la qualité et la complexité. Il faut savoir que dans la haute horlogerie, il y a une histoire derrière chaque montre.  Par exemple la montre Poker est la seule au monde qui permet de jouer au Poker Texas Holdem’ à trois joueurs plus la banque, avec presque 100 mille combinaisons de jeux.

 

Comment évaluez-vous votre expérience entrepreneuriale ?

Je suis plutôt le style de Steve Jobs que Bill Gates. Steve était un visionnaire et un créateur et personnellement, je pense comme lui, j’aime être créateur et innovant, j’aime amener de nouveauté dans l’horlogerie. Cependant, je suis passionné par d’autres choses comme l’aérospatial, l’automobile, la magie et l’Antiquité. Dans l’horlogerie, il y a une part de magie. Il y en a dans la Mecca, et encore plus dans le modèle Marguerite. J’ai travaillé avec des magiciens pour cela, et appris certaines astuces. La magie se trouve dans la connaissance, car en réalité les magiciens travaillent sur la base d’astuces que 99% des gens ne connaissent pas.

 

Dans l’horlogerie, nous sommes confrontés à des défis techniques, donc il s’agit de trouver des solutions innovantes. Mais le défi est également commercial, car pour faire adopter un nouveau produit, il faut convaincre à la fois les journalistes, les détaillants, les intermédiaires et finalement les clients eux-mêmes, ce qui constitue de multiples challenges. Quelque part, c’est de la magie de réaliser un nouveau concept. Nous créons des mécanismes que les clients ont du mal à comprendre techniquement, et les collectionneurs apprécient particulièrement la complexité. Comme pour un magicien, qui est d’autant plus apprécié par les spectateurs lorsqu’ils ne comprennent pas comment il peut réaliser ses tours.

 



[1] Huguenots : protestants du Royaume de France et de Navarre qui ont affronté les catholiques pendant les guerres de Religion (seconde moitié du XVIe siècle). De nombreux huguenots ont été obligés de fuir (on compte plus de 200 000 exilés) dans des pays protestants plus hospitaliers, comme l’Angleterre, Hollande, Suisse, États-Unis, Afrique du Sud, etc. 

Last modified on Tuesday, 26 March 2019 19:06
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